Je voulais que ce soit lui qui décide si j'allais finir ma vie avec Aude. Parce que c'était ça dont il s'agissait. Pour moi, Aude n'était pas la femme de ma vie. Maintenant je sais que... je sais que, pour moi, aimer Aude, c'était un affront fait à Steven parce qu'elle est forcément très liée à cette nuit horrible. J'étais venu lui dire ça, lui dire quand tu veux je quitte Aude. J'aurais fait n'importe quoi pour revoir mon petit frère vivre. dans ma tête ç'a toujours été très clair, dès que Steven va mieux, je me sépare d'Aude, dès qu'il oublie, j'oublie Aude et tous les deux , mon petit frère et moi, nous serons solidaires dans l'oubli. Et nous nous en sortirons. Parce que tout une vie ne peut pas être détruite en une seule nuit. Tant que Steven est dans le passé, coincé dans le temps, moi je reste avec Aude, je la surveille, je l'interroge, je reconstitue, je suis beaucoup plus fort que les médecins. Steven et moi, nous sommes du même ventre; nous communiquons. Je veux comprendre tout ce qui s'est passé cette nuit là, tout savoir, tout maîtriser, et quand Steven sort, je l'accompagne et je sais tout ce qu'il sait. J'ai tout vécu. Steven s'en tire, je quitte Aude et on part. Sans personne. Dans les bruits neufs, qui disait ça, les bruits neufs ?

Il m'est parvenu que des singuliers citoyens français m'ont dénoncé à vous comme n'étant pas du tout au nombre de vos approbateurs. Je ne puis, messieurs, que confirmer ces propos et ces tristes écrits. Il est très exact que je vous désapprouve d'une désapprobation pour laquelle il n'est point de nom dans aucune des langues que je connaisse (ni même sans doute dans la langue hébraïque que vous me donnez envie d'étudier). Vous êtes des tueurs, messieurs; et j'ajouterai même (c'est un point de vue auquel je tiens beaucoup) que vous êtes des tueurs ridicules. [...] Vous avez assassiné, messieurs, mon frêre le travailleur allemenand, je ne refuse pas, ainsi que vous le voyez, d'être assassiné à côte de lui.

Lettre adressée par Armand Robin à la Gestapo le 5 octobre 1913.

- Oui, parce que c'est vous qui m'avez dit le nom de ces fleurs, un jour. Dans cette plate-bande, là-bas (il montre du doigt le fond de la cour), il y a des jolies petites fleurs blanches et rouges, ces vous qui les avez mises, non ? Et un jour je vous ai demandé ce que c'était mais je n'ai pas été capable de retenir le nom. Pourtant je pensais tout le temps à ces fleurs, je ne sais pas pourquoi. Elles sont biens jolies, quand j'étais si mal, je pensais aux fleurs et ça me faisait du bien. Alors je suis passé près d'ici, tout à l'heure et je me suis dit : je vais aller demander à Mme Michel si elle peut me dire.
[...]
Oui, mon ange, je le peux. Dans les allées de l'enfer, sous un déluge, souffle coupé et coeur au bord des lèvres, une mince lueur : ce sont des camélias.


" Il me semblait que l'image de la porte en verre coulissante symbolisait parfaitement les relations avec les autres.  Il faut s'approcher doucement de la porte ; il ne faut pas la forcer, sinon, elle volera en éclats. Les relations avec les autres sont de même nature. Si on force trop brusquement une relation, elle ne se fait pas. Une petite poussée peut faire toute éclater. Un mot déplacé peut gâter des mois passés à établir un lien de confiance et de respect. "

[ M ]

<< Soudain, je compris son obsession des horloges : à l'inverse des vivants, Palamède bénissait la fuite du temps. L'unique lumière, au fond  de sa geôle, c'était sa mort : et les vingt-cinq horloges de sa maison scandaient le rythme lent et sûr qui l'y conduisait. Après le trépas, il n'aurait plus de chair pour contenir son vide, il deviendrait le néant au lieu de le vivre. >>

ple0nasme

Suzanne. _

Parfois, tu nous envoyais des lettres,
parfois tu nous envoies des lettres,
ce ne sont pas des lettres, qu'est-ce que c'est ?
de petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases,
rien, comment est-ce qu'on dit ?
elliptiques.
" Parfois, tu nous envoyais des lettres elliptiques. "

Intermède musical.

Max. _ Je ne te comprends pas. Tu sembles chaque jour un peu plus mécontent de la vie que tu mènes. Chaque détail semble une épreuve et d'un autre côté, quoi qu'il arrive, et les choses les plus importantes, tu t'en accomodes, tu t'arranges.

Raban. _ Je suis mécontent dans le détail, mais cela n'atteint pas l'ensemble. Une chose infime peut me donner envie de tout abandonner, c'est vrai, mais l'existence prise dans son ensemble me convient, "au bout du compte". Qu'est-ce que je peux faire ? Puisque ma vie est ce qu'elle est, puisque ma vie semble toujours être ainsi, je m'en accomode en effet, et si je parais renoncer, l'essentiel, je crois, l'essentiel est toujours là. Je ne l'abandonne pas.

Max. _ Tu vas te marier, tu vas te fiancer ce soir, tu vas te marier sans le souhaiter vraiment. Sans aimer personne.

Raban. _ Et sans trouver la force - c'est cela que je veux te dire - et sans trouver la force, ce soir, juste avant de m'engager définitivement, et sans trouver la force de renoncer, de m'enfuir, d'aller mon chemin et de décider.

Intermède musical de Karl.


"Il est temps de rentrer chez moi. Comme je n'ai pas le couragede prendre l'ascenseur avec mes collègues, j'ouvre la fenêtre de mon bureau, j'enjambe le rebord et, d'une légère pression, me laisse tomber dans le vide. L'air frais et le soleil se mêlent, c'est le genre de sensation qui rend poreux au monde. Je pénètre les différentes couches de polution atmosphérique. L'aire perce mon costume et me pique la peau. Je ferme la bouche et me pince les narines pour ne pas avaler trop de toxiques. Un oiseau passe à côté de moi, l'air attendri, il croit que je suis un oisillon qui s'est élancé de son nidavant que ses plumes ne poussent, trop tôt. Plus que dix mètres, cinq, deux, j'ouvre grand les yeux. Je m'écrase sur le trottoir devant les pieds d'un groupe de touristes admirant la slendeur de notre monument aux morts."

Les apologistes du travail. Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours sur la bénédiction du travail, je vois la même arrière-pensée que dans les louanges des actes impersonnels et conformes à l'intérêt général : la crainte de tout ce qui est individuel. On se rend maintenant très bien compte, à l'aspect du travail - c'est-à-dire de ce dur labeur du matin au soir - que c'est là la meilleure police, qu'elle tient chacun en bride et qu'elle s'entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires, et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l'amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but minime et accorde des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société, où l'on travaille sans cesse durement, jouira d'une plus grande sécurité : et c'est la sécurité que l'on adore maintenant comme divinité suprême. Et voici (ô épouvante !) que c'est justement le « travailleur » qui est devenu dangereux ! Les individus « dangereux » fourmillent ! Et derrière eux il y a le danger des dangers - l'individuum !

A Léon Werth.

Je demande pardon aux enfants d'avoir dédié ce livre à une grande personne. J'ai une excuse sérieuse : cette grande personne est le meilleur ami que j'ai eu au monde. J'ai une autre excuse : cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. J'ai une troisième excuse : cette grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a bien besoin d'être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisaient pas, je veux bien dédier ce livre à l'enfant qu'a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants (Mais peu d'entre elles s'en souviennent.) Je corrige donc ma dédicace :

A Léon Werth
quand il était petit garçon.

(Louise)

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