Sarkozy, la littérature ancienne et autres champs de ruines.

Philippe Val, rédacteur en chef de Charlie Hebdo, rapportait récemment dans l'un de ses éditoriaux cette phrase apparemment anodine de Nicolas Sarkozy, issue d'un entretien au quotidien gratuit 20 minutes, le 16 avril 2007 : " Vous avez le droit de faire de la littérature ancienne, mais le contribuable n'a pas forcément à payer vos études... " Cette petite phrase, alors passée inaperçue, en dit beaucoup plus qu'il n'y paraît. Le 'bon sens' sarkozyste est truffé de sous-entendu. Dirait-il " La littérature ancienne n'intéresse pas grand monde, il n'y a aucune raison de subventionner l'enseignement de cette lubie minoritaire et dépassée ", ce qu'il pense très certainement ; nul doute que fuseraient alors les protestations de toutes parts. Quand on se targue de vouloir instaurer une " politique de civilisation ", la seule question qui vaille serait de se demander si l'enseignement de la littérature ancienne a (encore) une valeur civilisationnelle. Et de la réponse à cette question découlerait l'évaluation de l'interêt qu'il y a à ce que " le contribuable ", même s'il n'est lui même pas féru de littérature ancienne, participe - ou non - à l'effort public en la matière.
Quand on croit utile de s'adjoindre à un auteur moderne de la trempe de Bigard pour une petite virée au Vatican, quand le parler vrai, lors d'une visite au Salon de l'agriculture, devient vocabulaire de l'insulte, on conçoit aisément que Nicolas Sarkozy n'éprouve qu'un interêt fort limité pour la littérature ancienne. L'exercice de la fonction présidentielle voudrait sans doute que l'élu sache composer au délà de ses propres goûts personnels, mais l'égo hautement survolté de Son Excellence Nicolas 1er pourra-t-il se faire à une idée pareille ? Rien n'est moi sûr. Cessons de tergiverser, et avouons sans fard notre terrible sectarisme idéologique : oui, nous haïssons tout ce que représente Nicolas Sarkosy, nous avons honte de vivre dans un pays dont le gouvernement comporte un ministère chargé de " l'identité nationale" , etc, etc. Face à son omniprésence médiatique, à l'arrogance de ses turlupitudes, à son insatiable soif de pouvoir, que peuvent nos modestes jérémiades - dont il est fort à craindre, de sucroît, qu'elles ne s'adressent ici qu'à des lecteurs déjà convaincus ?

Article page 22, Jean-Marc Adolphe.