Il disparaissent dans la tempête.
Marcia Hesse, immobile, regarde la porte d'entrée
qui se referme sur les siens.
La table est mise, pour elle.
Elle va s'asseoir.
Le vent fait battre un volet.
La pluie cogne aux vitres.
Coup de tonnerre.
Elle pose sur sa tête le chapeau de paille.
Referme le cahier.

MARCIA HESSE. L'été, j'allais sur la digue nord et je prenais le temps de vivre. Je marchais sans petit ami, mais quand les goélands, là-haut - Je me disais les garçons sont pareils, et tout l'amour, léger, qui piaille, cherche une direction, prend l'autre, alors je marchais seule et c'était le meilleur. Souvent, je remarquais trois Chinois sur le terrain de basket-ball, mais je n'étais jamais sur de moi - Si c'était toujours les trois mêmes ou bien. C'est pas gentil pour les Chinois. Il y avait un de ces soleils dans les baies vitrées de l' Office de Tourisme qui rendait tout - Et le vent qui tournait, ça n'arrangeait pas mes affaires. Je ne voyais pas grand monde, sauf quand un grand dadais se rêvait en petit ami et rêvait de me prendre la main et rêvait de me prendre la taille et rêvait que je remonte avec lui l'avenue Foch jusqu'à va savoir quel trou où se dire je t'aime et se faire les choses de l'amour, non, moi je riais à grands éclats quand ces graçonc-là me disaient "vous" déjà ça me faisait rire, et "vous êtes belle", alors ça vous êtes belle, c'était des hoquets de je m'en fous et j'enfonçait mes mains dans les poches, fermais les yeux et je traçais, sur la digue nord, ma ligne à moi, sans petit ami et derrière c'était des cercles de loups à la Tex Avery, qui tournait avec le vent. L'été je riais plus que jamais, parce que j'vais pas peur de prendre froid. Et sur le boulevard Clemenceau, je ne voyais pas grand monde, mais y'avait ce tableau d'Eugène Boudin, Entrée des jetées du Havre par gros temps, et franchement je me disais : heureusement, heureusement que je ne porte pas un nom pareil. C'est pas gentil pour Eugène Boudin. Moi, ce que j'aime, c'est le mot vertugadin. J'aimerais qu'un garçon me dise : je vous vois très bien dans un vertugadin. Alors là, je ne dis pas que tout de suite je fais le sucre et tout, je prends des poses et je fonds, non. Mais, je vais réfléchir. Je lui dirai : je vais réfléchir. L'été, je prenais le temps de vivre et parfois, je m'arrêtais sur la digue nord pour prendre mon pouls et regarder le ciel en prenant mon pouls. Là. Comme ça. Rien d'autre. Les goélands. Le bleu. Un nuage. Elle murmure, comme son poul murmurait. Tou-toum. Tou-toum. Un avion à dix mille pieds. Tou-toum. Une traînée de fumée blanche qui disait qu'un garçon pensait à moi, un brun ou un blond, un roux jamais, les roux pensent pas aux filles, ils se demandent comment faire pour devenir bruns ou blonds. Tou-toum. Il fait un temps magnifique. Elle se met à danser, doucement, en fermant les yeux.