C'est donc dans ce cercle du rire qu'Alice et moi nous sommes rencontrés. Nous étions face à face. Des rires passaient au-dessus de nos têtes, déformés par l'atmosphère vaporeuse. Il y avait des hihihi et des hahaha. Le visage d'Alice était tout près du mien quand elle a eu ce geste étonnant. Elle a lentement relevé la main pour caresser son nez puis son oreille gauche. Le tout d'une manière fugitive, comme si elle était une voleuse de son visage. Il est difficile de décrire précisément ce qu'elle a fait avec ses doigts, mais l'enchaînement de ces deux caresses a formé un geste d'une grande intensité. Et c'est juste après que je l'ai vue me regarder. Elle paraissait presque gênée, et elle m'a souri. Ce n'était pas un sourire qui appartenait au cercle du rire. Il m'était destiné. Comme je lui ai rendu aussitôt, nous avons formé un cercle dont nous étions les deux seuls initiés.
Notre cercle du sourire était un sous-ensemble autonome du cercle du rire, une dissidence intime.