Lorsque la maladie entre dans un foyer, elle ne s'empare pas seulement d'un corps mais tissent entre les coeurs une sombre toile où s'ensevelit l'espoir. Tel un fil arachnéen s'enroulant autour de nos projets et de notre respiration, la maladie jour après jour, avalait notre vie.
 
En pensant à ça, le coeur et l'estomac en marmelade, je me dis que finalement, c'est peut être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n'est plus le même. C'est comme si les notes de musique faisait un genre de parenthèses dans le temps, de suspension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais.
Oui, c'est ça, un toujours dans le jamais.
N'ayez crainte, Renée, je ne me suiciderai pas et je ne brûlerai rien du tout.
Car pour vous, je traquerai désormais les toujours dans les jamais.
La beauté dans ce monde.


L'éternité, cet invisible que nous regardons.



Moi, j'ai compris très tôt qu'une vie, ça passe en un rien de temps, en regardant les adultes autour de moi, si pressés, si stressés par l'échéance, si avides de maintenant pour ne pas penser à demain… mais si on redoute le lendemain, c'est parce qu'on ne sait pas construite le présent et quand on ne sait pas construire le présent, on se raconte qu'on le pourra demain et c'est fichu parce que demain finit toujours par devenir aujourd'hui, vous voyez ?
Donc il ne faut surtout pas oublier tout ça. Il faut vivre avec cette certitude que nous vieillirons et que ça ne sera pas beau, pas bon, pas gai. Et se dire que c'est maintenant qui importe : construire, maintenant, quelque chose, à tout prix, de toutes ses forces. Toujours avoir en tête la maison de retraite pour se dépasser chaque jour, le rendre impérissable. Gravir pas à pas son Everest à soi et le faire de telle sorte que chaque pas soit un peu d'éternité.
Le futur, ça sert à ça : construire le présent avec des vrais projets de vivants.

' Le calvaire, ce n'est pas de quitter ceux qui vous aiment, c'est de se détacher de ceux qui ne vous aime pas. Et ma triste vie se passe à désirer ardamment ton amour refusé, cet amour absent, ô bonté divine, n'ai-je rien donc de mieux à faire que de pleurer sur mon triste sort de pauvre petit garçon mal-aimé ? Il y a pourtant bien plus important, je vais mourir bientôt moi aussi, et tout le monde s'en fout, et je m'en fous moi aussi, je m'en fous parce que, en ce moment, il est en train de crever et que je l'aime ce salaud, je l'aime, oh merde... '
- Oui, parce que c'est vous qui m'avez dit le nom de ces fleurs, un jour. Dans cette plate-bande, là-bas (il montre du doigt le fond de la cour), il y a des jolies petites fleurs blanches et rouges, ces vous qui les avez mises, non ? Et un jour je vous ai demandé ce que c'était mais je n'ai pas été capable de retenir le nom. Pourtant je pensais tout le temps à ces fleurs, je ne sais pas pourquoi. Elles sont biens jolies, quand j'étais si mal, je pensais aux fleurs et ça me faisait du bien. Alors je suis passé près d'ici, tout à l'heure et je me suis dit : je vais aller demander à Mme Michel si elle peut me dire.
[...]
Oui, mon ange, je le peux. Dans les allées de l'enfer, sous un déluge, souffle coupé et coeur au bord des lèvres, une mince lueur : ce sont des camélias.

Où se trouve la beauté? Dans les grandes choses qui, comme les autres, sont condamnées à mourir, ou bien dans les petites qui, sans prétendre à rien, savent incruster dans l'instant une gemme d'infini?
Le rituel du thé, cette reconduction précise des mêmes gestes et de la même dégustation, cette accession à des sensations simples, authentiques et raffinées, cette licence donnée à chacun, à peu de frais, de devenir un aristocrate du goût parce que le thé est la boisson des riches comme elle est celle des pauvres, le rituel du thé, donc, a cette vertu extraordinaire d'introduire dans l'absurdité de nos vies une brèche d'harmonie sereine. Oui, l'univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté, l'insignifiance nous encercle. Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au-dehors, les feuilles d'automne bruissent et s'envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et, dans chaque gorgée, se sublime le temps.

Toci

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