- Mais ? T'es déguisé en pirate ?
On acquiesa sous le bandeau noir.
- Et tu n'as pas de perroquet sur l'épaule ?
Le crochet retomba :
- Ben non…
- Tu veux qu'on aille chercher mon oiseau ?
- Mais s'il se réveille ?
Bien qu'ayant été en partie élevé par Nounou, ou pour cette raison peut-être, Charles avait toujours pensé qu'il était plus simple de dire la vérité aux enfants. N'avait pas beaucoup de principes en matière de pédagogie, mais la vérité, si. La vérité n'avait jamais bridé l'imagination. Bien au contraire.
- Tu sais… Il ne peut pas se réveiller parce qu'il est empaillé….
La moustache de Lucas s'étira jusqu'à ses boucles d'oreilles :
- Je le savais mais je ne voulais pas te le dire. J'avais peur que tu sois triste…
Qui ? Qui a eu la bonne idée d'inventer les enfants ? Fondit-il en calant son gobelet derrière une tuile…
- Viens. On va le chercher…
- Oui mais… pignocha le petit, c'est pas vraiment un perroquet…
- Oui mais… grandiloqua le grand, tu n'es pas vraiment un pirate non plus…
Si elle avait pu, elle l'aurait pris dans ses bras à ce moment précis de leurs vies. Mais elle ne pouvait pas. Il ne voulait plus.
- Mais... euh... t'es triste alors ?
- Oh, non ! Au contraire ! Je suis bien !
Elle lui sourit à la place. Un petit sourire avec des bras, des mains, un cou et deux nuques au bout.
Je ne vais pas t'en faire des tartines, tu la connaissais comme moi... Tu imagines bien... Cette dame avait quelques problèmes de.. euh... d'élocution, mais à un moment, elle a dit une chose très jolie : "C'te femme, c'que j'en dis moi, eh ben c'est qu'elle avait un coeur gros comme un sac à l'élastique, voilà de ce que j'en dis..."
Sourires.
Un chauffeur l'attendait à l'aéroport avec son nom inscrit sur un écriteau.
Une chambre l'attendait à l'hôtel avec son nom inscrit sur un écran de télévision.
Sur l'oreiller, un chocolat et les prévisions météorologiques du lendemain.
Nuageux.
(...)
Sortit dans le froid. Marcha des heures. Ne vit rien d'autre que du bâti à consommer. Glissa une carte en plastique dans la fente de la chambre 408. Coupa la clim'. Alluma la télévision. Coupa le son. Coupa l'image. Essaya d'ouvrir une fenêtre. Jura. Renonça. Se retourna, et se sentit, pour la première fois de sa vie, pris au piège.
03:17 s'allongea
03:32 et se demanda
04:10 poséement
04:14 calmement
04:31 ce qu'il
05:03 faisait là.
Aucun homme n'aurait voulu vivre avec elle mais tous étaient prêts à lui assurer le contraire...
Quand elle était gaie, quand ses vertiges la laissaient en paix, quand elle dénouait ses cheveux et qu'elle préférait marcher pieds nus, quand elle se souvenait que sa peau était douce encore et que... c'était un soleil. Où qu'elle aille, quoi qu'elle dise, les visages se tournaient et tout le monde voulait sa part. Tout le monde voulait l'attraper par le bras, quitte à lui faire un peu mal, plutôt en lui faisant un peu mal d'ailleurs, pour faire cesser le bruit de ses bracelets une seconde. Juste une seconde. Le temps d'une grimace ou d'un regard. D'un silence, d'un abandon, de n'importe quoi d'elle. N'importe quoi, vraiment. Mais pour soi seul.
"Mon Anouk...
S' il y avait un paradis, tu serais déjà en train de vamper saint Pierre...
Si.
Je te vois.
Je te vois lui papilloter la barbe et lui prendre ses clefs des mains pour les faire brilles contre ta hanche.
Quand tu étais en forme, rien ne te résistait, et quand nous étions enfants, tu nous emmenais au ciel quand tu voulais.
Combien de porte ton sourir a-t-il enfoncées? De queues avons-nous gurgées? De mètres avons-nous resquillés? De panneaux avons-nous retournés, contournés, bravés?
Combien de bras d'honneur, de grincheux, de barrières et d'interdits?
<<Donnez-moi la main les gars, conspirais-tu, et tout va bien se passer...>> Et nous adorions ça, que nous appelles les gars alors que nous sucions encore nos pouces et que tu nous broies les phalanges en montant à l'assaut. Nous avions les chocottes, et même aussi un peu mal quelquefois, mais nous t'aurions suivie au bout du monde.
"
[ pages 118-119 ]
Scarlett, merci pour ce blog. C'est captivant toutes ces lectures...
Mon Anouk...
S' il y avait un paradis, tu serais déjà en train de vamper
saint Pierre...
Si.
Je te vois.
Je te vois lui papilloter la barbe et lui prendre ses clefs des
mains pour les faire briller contre ta hanche.
Quand tu étais en forme, rien ne te résistait, et quand
nous étions enfants, tu nous emmenais au ciel quand tu
voulais.
Combien de porte ton sourire a-t-il enfoncées? De
queues avons-nous grugées? De mètres avons-nous res-
quillés? De panneaux avons-nous retournés, contournés,
bravés?
Combien de bras d'honneur, de grincheux, de barrières
et d'interdits?
<<Donnez-moi la main les gars, conspirais-tu, et tout va
bien se passer...>> Et nous adorions ça, que nous appelles
les gars alors que nous sucions encore nos pouces et que tu
nous broies les phalanges en montant à l'assaut. Nous
avions les chocottes, et même aussi un peu mal quelquefois,
mais nous t'aurions suivie au bout du monde.
[ pages 118-119 ]
- Non. Enfin,si... quand j'écoute ce genre de musique, quand j'entre dans une très belle église ou quand je vois une tableau qui m'émeut, une Annonciation par exemple, mon cœur enfle tellement que j'ai l'impression de croire en Dieu, mais je me trompe : c'est en Vivaldi que je crois... En Vivaldi, en Bach, en Haendel ou en Fra Angelico... ce sont eux les dieux... L'autre, le Vieux, c'est un prétexte... C'est d'ailleurs la seule qualité que je lui trouve : d'avoir été assez fort pour leur avoir inspiré à tous, tous ces chefs-d'œuvre...
" Vertige sous une côte fêlée. Charles se retourna très lentement, localisa la source de cette cascade folle et sut qu'il n'était pas venu pour rien.
- Anouck, murmura-t-il.
- Pardon ?
- Elle...Là-bas...
- Oui ?
- C'est elle ?
- Elle qui ?
- La petite... La fille d'Alexis...
- Oui.
C'était elle, celle qui sautait en l'air le plus haut, hurlait le plus fort et riait le plus loin.
Même regard, même bouche, même front, même air canaille.
Même poudre, même mèche.
- Elle est belle, hein ?
Aux anges, au ciel, Charles acquiesça.
Quel bonheur pour une fois, d'être ému."
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