Une conception étriquée de la littérature, qui la coupe du monde dans lequel on vit, s'est imposée dans l'enseignement, dans la critique et même chez nombre d'écrivains. Le lecteur, lui, cherche dans les oeuvres de quoi donner sens à son existence. Et c'est lui qui a raison.

C'est un vent de poussière rouge. George Kane est là-haut, proche de son vertige. On ne sait pas si c'est le jour ou la nuit parce qu'on ne sait pas s'il fait jour ou nuit dans le cœur d'une homme. J'aimerais que la lumière parvienne parfois de l'intérieur de sa bouche. Et s'il ouvre sa chemise, qu'il se mette à vanter.

La civilisation vient de parvenir à son dernier degré se sauvagerie. Signé : Albert Camus.

Tu es restée immobile, à l'intersection de deux rues, alors qu'autour de toi les gens prenaient peur et s'éloignaient.

On m'a dit qu'on la voyait se consumer à travers la fente de ses yeux.

Je revois les oiseaux fous, épinglés ; je revois les grandes ailes de notre avion.

Et il m'a montré par le hublot comme dans un miroir : Albert Camus se baladait entre les rails du ciel. Enjambant les continents qui ne sont que des étages de vide, il arpentait la salle perdue du petit jour.

La petite s'est arrêtée net de commenter son dessin quand elle a vu son père appuyer très fort sur un verre de ses lunettes, puis sur l'autre, avec toute la pression de son pouce. Le même craquement lent pour chaque verre, la même destruction méticuleuse. Et derrière ses lunettes qu'il venait de briser, à l'instant, devant nous, il y avait maintenant deux yeux bizarrement étoilés.

J'y vois suffisamment clair pour te dire que le soleil ne brille pas, on appelle ça pleuvoir.

En vérité, notre belle civilisation avait l'œil crevé et mes rêves étaient à sec. J'aurais effrayé mes rêves.

Monsieur Kane, il y a quelqu'un pour vous !

Voilà, c'est le début de mon histoire, celle d'un long et grand bonhomme qui penche, comme le tournesol, en direction du soleil. Le plus éblouissant, le pire des soleils. Je m'appelle Little Boy et tout commence ce jour là.


" J'aurais vraiment tout vu
dans ce grand magasin depuis que je suis voix !
Des messieurs voler des slips en les cachant dans leur chapeau ! Des dames se parfumer avec des bombes antimoustiques !
Et maintenant, un petit garçon qui se cache pour passer le reste de sa vie avec des jouets!
[...]

[...] Il était donc possible de grandir et de ne pas perdre ses yeux d'enfants ?
La nouvelle laissa Joseph bouche bée.
Lui qui pensait que tous les grands étaient pareils, enfermés dans un monde de grands, absorbés par des soucis de grands, rêvant des rêves de plus en plus petits.
"

(pacôme)

Café Mémoire

Café très fort, très serré, très sucré, café noir,
Café qui coule, impalpable, café mémoire...
Le regard attiré par cet éclat profond
Et les yeux qui se perdent dans ce trou sans fond...

Un moment de calme face à la mer,
Où un sucre adoucit l'arrière goût amer.
Il s'y dissout comme tout rêve, toute vie,
S'efface par les jours, et comme toute envie.

Un morceau de métal recourbé tourne en rond,
Incarne le temps qui court en vain, se morfond.

Et prendre le café, cette action rituelle,
Habitude qui fait le lien entre les jours,
Entre les gens, événement perpetuel,
Est sur le temps qui passe un éternel retour,
Comme un regret caché, un souvenir qui glace.

Et voilà ! Le café déborde de la tasse.
Ta mémoire d'hier t'aide à vivre aujourd'hui,
Mais bien souvent, malgré toi, elle te salit.

Tu as fini ta tasse; alors tu la transmets
Pour qu'un autre y contemple, dans sa transparence
Et son propre café et son propre passé.

Qu'il essaie donc à son tour de saisir sa chance
De venir s'abreuver à toutes les mémoires,
Qui, dans la porcelaine, ont formé des fleurs noires.

(louise)

Chaque fois qu'un jour nouveau se pointe, j'ouvre la fenêtre et j'appelle au secours. Je saute sur le téléphone, j'appelle la Croix-Rouge, le Secours Catholique, le Grand Rabbin de France, le petit, les Nations-Unies, Ulla notre Mère à tous, mais comme ils sont parfaitement au courant, qu'ils voient de leurs propres yeux qu'un nouveau jour se lève et qu'ils prennent même leur petit déjeuner pour cette raison, je me heurte au quotidien familier, et c'est le bide. Alors je deviens un python, une souris blanche, un bon chien, n'importe quoi pour prouver que je n'ai aucun rapport. D'où internement et thérapeutique, en vue de normalisation. Je persévère, je saute ailleurs, je me débine. Cendrier, coupe-papier, objet inanimé. N'importe quoi de non-coupable. Vous appelez ça folie, vous ? Pas moi. J'appelle ça légitime défense.

Apres avoir signé plusieurs centaines de fois, si bien que la moquette de ma piaule était recouverte de feuilles blanches avec mon pseudo qui rampait partout, je fus pris d'une peur atroce : la signature devenait de plus en plus ferme, de plus en plus elle-même pareille, identique, telle quelle, de plus en plus fixe. Il était là. Quelqu'un, une identité, un piège à vie, une présence d'absence, une infirmité, une difformité, une mutilation, qui prenait possession, qui devenait moi. Émile Ajar
Je m'étais incarné.

Comment cela s'appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé et que l'air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent dans un coin du jour qui se lève?
ELECTRE: Demandez au mendiant. Il le sait.
LE MENDIANT: Cela a un très beau nom femme Narsès. Cela s'appelle l'aurore.

Electre, Jean Giraudoux




Je déroge légèrement à la règle en ne postant pas ici un extrait, mais en vous renvoyant sur un site où sont les écrits que j'aurais voulu mettre. Mais ces textes n'ont pas encore été publiés. Vous pouvez donc aller sur ce site, lire les extraits du prochain roman de Franck Zerbib. Il y a pour l'instant trois extraits, un nouveau étant posté chaque lundi. Je vous incite fortement à aller les lire.
La page principale :
http://www.franckzerbib.com/

les différents extraits :
http://www.franckzerbib.com/content/category/4/20/51/

    Corinne m'attend cette nuit à Paris. Bien sût, je l'ai appelée. Bien sûr, cette nuit. A six heures, à Evreux, je signe l'acte de rachat de la Ronceraie. Quinze ans que j'attends ce moment. Une fête est prévue au château, que je vais sécher comme toutes les fêtes, pour aller retrouver dans un deux pièces du XXe une étudiante en droit qui me fera une blanquette. Je n'ai rien à lui dire, elle n'essaie pas de me faire parler, j'adore son cul et je ne la voie que les soirs de victoire. De victoires... De vengeance. On m'a cassé mon enfance et je passe mon temps à recoller les morceaux. Après le suicide de mon père, on a dispersé aux enchères sa collection de voitures et ses maisons. J'ai déjà récupéré la De Dion-Bouton, la Celtaquatre et la Bentley grise, et ce soir, mon frère sera propriétaire de la Ronceraie.
    Tout ce qui m'intéresse, c'est de reprendre. La possession, je m'en fous. Les femmes, les affaires, les maisons, les voitures : je les aimes au pluriel, dans les souvenirs qu'on retrouve, les choix qui s'offrent, les nouveautés qu'on alterne, les fidélités croisées. Tout ce que je demande à mon frère, c'est d'apparaître à ma place dans les organigrammes et les conseils d'administration, de régler les loyers de mes femmes, d'entretenir mes voitures et de faire revivre le château. Il est heureux. Il est là pour. Et c'est justice : c'était mon demi-frère, mon demi-dieu, mon héros. Pendant cinq ans, c'était devenu un fantôme d'orphelinat, déteint, cassé. je l'ai réparé. Je ne supporte pas qu'on me vole les choses.

La manque d'intelligence s'avère désormais une qualité, un but à atteindre dans la grande quête spirituelle de l'ado Rebook-Nike du XXIe siècle. Louise

- Et nous pouvons être heureux pour toujours, n'est ce pas ? Je sais que ça à l'air ridicule étant donné que je suis la fille de maman et toi avec toutes ces femmes. Mais j'y crois et c'est possible. Je sais que c'est possible. Je t'ai aimé toute ma vie et si ça c'est possible, il est possible d'être heureux, non ? Dis que ça l'est, en tout cas.
    - Je pense que oui.
    Il avait toujours dit que ça l'était. Pas dans cette voiture pourtant. Mais il l'avait suffisamment dit dans ce coin aussi et il l'avait cru. ç'aurait été possible aussi. Tout était possible une fois. C'était possible sur cette route, sur cette portion qui s'étendait maintenant là devant le canal qui coulait, clair et rapide, sur la droite de la route et sur lequel l'indien faisait avancer sa pirogue. Il n'y avait pas d'Indien à présent. C'était avant. Quand c'était possible. Avant que les oiseaux ne partent. C'était l'année avant celle de la dinde. L'année avant le gros serpent à sonnettes, ce fut l'année où ils virent l'indien faire avancer sa pirogue et le chevreuil dans la boucle du canal, avec sa poitrine et sa gorge blanches, avec ses pattes fines  et ses sabots aux formes délicates de coeur brisé, redresser la tête au magnifiques cornes miniatures dans la direction de l'Indien. Ils avaient arrêté la voiture et parlé à l'Indien, mais il ne comprenait pas l'anglais et avait grimacé et le petit chevreuil était là, mort, les yeux ouverts regardant fixement l'Indien. C'était possible alors et pendant cinq ans ensuite. Mais qu'est ce qui était possible à présent ? Rien n'était possible sauf si lui-même l'était et il devait dire les choses s'il devait y avoir une chance qu'elles soient vraies. Même si c'était mauvais de les dire, il devait les dire. Elles ne seraient jamais  vraies s'il ne les disait pas. Il devait les dire et alors peut-être il pourrait les sentir et peut-être alors il pourrait les croire. Et peut-être alors elles pourraient être vraies. Peut-être est un mot si atroce, pensa-t-il, mais il l'est encore plus à la fin d'un cigare.

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