" - Vous n'avez pas entièrement tort mais accepterez-vous de n'avoir pas entièrement raison ?

- Et vous , l'écrivain , accepterez-vous de voir les gens comme ils sont et non comme vous les inventez ? "

"Le sentiment d'être anachronique , en décalage , je le comprends bien . Cette impression de ne pas rouler dans le même sens que les autres , d'être épuisé par cette tension tout autour de moi , cette tension qui ne me concerne pas , tout ce bruit qui ne sert à rien , le sentiment de ne pas comprendre ce qu'on attend de moi ni d'être compris un jour [...] "

passoire

Quelque chose à quoi tu ne peux échapper. La mer. La mer ensorcelle, la mer tue, émeut, terrifie, fait rire aussi, parfois, disparaît, par moments, se déguise en lac ou alors bâtit des tempêtes, dévore des bateaux, elle offre des richesses, elle ne donne pas de réponses, elle est sage, elle est douce, elle est puissante, elle est imprévisible. Mais surtout : la mer appelle. Tu le découvriras, Elisewin. Elle ne fait que ça, au fond:  appeler. Jamais elle ne s'arrête, elle pénètre en toi, elle te reste collée après, c'est toi qu'elle veut. Tu peux faire comme si de rien n'était, c'est inutile. Elle continuera de t'appeler.


lenaisis

-----L'air est granuleux.
-----Glacé.
-----La feuille se détache du bout de la branche.
-----Tourbillone dans le vide.
-----Légère.
-----Balancée.
-----S'amollit sur le trottoir.
-----Jaune mordoré.
-----Rousse.
-----Pourpre.
-----Morte.
-----D'une boulversante beauté.
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plait le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plait l'ardoise fine:

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.

Les Regrets, les antiquités de Rome, Du Bellay.

manon-liseron



-Prendras tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianocktail est achevé, tu pourrais l'essayer.

-Il marche ? demanda Chick.

-Parfaitement. J'ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J'ai obtenu à partir de la Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.

-Quel est ton principe ? demanda Chick.

-A chaque note,dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l'oeuf battu & la pedale faible à la glace. Pour l'eau de Seltz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d'unité, à la noire l'unité, à la ronde la quadruple unité. Lorsque l'on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée --ce qui donnerait un coktail trop abondant-- mais la teneur en alcool. Et,suivant la durée de l'air, on peut, si l'on veut, faire varier la valeur de l'unité, la reduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les haromnies au moyen d'un reglage lateral.

-C'est compliqué, dit Chick.

-Le tout est commandé par des contacts éléctriques et des relais. Je ne te donne pas de détails, tu connais ça. Et d'ailleurs, en plus, le piano fonctionne réelement.

-C'est merveilleux ! dit Chick.

-Il n'y a qu'une chose gênante, dit Colin, c'est la pédale forte pour l'oeuf battu. J'ai du mettre un système d'enclenchement special , parce que lorsque l'on joue un morceau trop "hot", il tombe des morceaux d'omelette dans le cocktail, et c'est dur à avaler. Je modifierai ça. Actuellement , il suffit de faire attention, pour la crème fraiche, c'est le sol grave.

-Je vais m'en faire un sur Loveless Love, dit Chick. Ca va etre terrible.

Ici, disait-elle, on croise toutes les cultures, on connait toutes les religions. Je fais les Pâques plonaises, je coupe le jeûne ramadan, et le lendemain je fais le shabbat. Je dîne dans les familles, je goûte à tous les plats. Vivre les religions par les autres ouvre l'esprit. Elle s'était interrompue et elle avait corrigé : Je ne sais pas si ce serait encore possible. A l'époque, personne ne faisait attention si tu était juif, si tu étais musulman; à l'époque, il n'y avait pas ça. Aujourd'hui, dans les cours de récréation, les tout-petits s'agressent, les gamins noirs se traitent de nègres, les gamins chinois de niakoués. Qu'est-ce que ça veut dire niakoué ? dit le gosse. Personne ne sait... Peut-être quelqu'un qui mange du riz ? 

Aujourd'hui, dit Nadia Valente, les gosses ne se sentent pas chez eux. Ils ont sept ans, il disent : Je suis arabe, je suis sénégalais. Ils peinent à savoir qui ils sont, ils n'ont pas le sentiment d'appartenance. Les médias parlent d'eux comme des jeunes "issus de l"immigration". Mais ils ne sont pas issus de l'immigration... Leure mère est née en France, leur grand-mère aussi. Leur vie est ici.

Bobigny est une ville traversée par les guerres. On n'en voit rien, d'abord, quand on s'y promène. Il faut attendre un peu, il faut parler, pour le comprendre, et alors c'est une pensée qui ne vous lâche plus. Une guerre suit l'autre, guerre de conquête, d'extermination, de colonisation, guerres sociales, elle se superposent, elles entretiennent des liens inattendus, on dirait qu'elles sont enchaînées les unes aux autres, chaque maillon se glisse dans le précédant.

Louise.

Qu'y a-t-il de pire : faire l'amour sans aimer, ou aimer sans faire l'amour ?

J'ai l'impression d'être comme Milou quand il a ses crises de conscience, avec d'un côté le petit ange qui lui dit de faire le bien, et de l'autre le mini-démon qui lui enjoint de faire le mal . Moi , j'ai un angelot qui veut que je revienne avec ma femme, et un diablotin qui me suggère de coucher avec Alice. Dans ma tête c'est un talk-show permanent entre eux deux, en direct. J'aurai préféré que le diable m'ordonne de baiser ma femme .

chaloukate

Voyez-vous, on m'a parlé d'un homme dont l'ami avait été emprisonné et qui couchait tous les soirs sur le sol de sa chambre pour ne pas jouir d'un confort qu'on avait retiré à celui qu'il aimait.
 Qui, cher monsieur, qui couchera sur le sol pour nous ?

Et avec la même précaution, j'ai refermé la porte derrière moi. Mon coeur cognait comme un type coincé sous la glace d'un lac gelé. Ca faisait : bong, bong, bong ! De quoi alerter tout le quartier.

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