Corinne m'attend cette nuit à Paris. Bien sût, je l'ai appelée. Bien sûr, cette nuit. A six heures, à Evreux, je signe l'acte de rachat de la Ronceraie. Quinze ans que j'attends ce moment. Une fête est prévue au château, que je vais sécher comme toutes les fêtes, pour aller retrouver dans un deux pièces du XXe une étudiante en droit qui me fera une blanquette. Je n'ai rien à lui dire, elle n'essaie pas de me faire parler, j'adore son cul et je ne la voie que les soirs de victoire. De victoires... De vengeance. On m'a cassé mon enfance et je passe mon temps à recoller les morceaux. Après le suicide de mon père, on a dispersé aux enchères sa collection de voitures et ses maisons. J'ai déjà récupéré la De Dion-Bouton, la Celtaquatre et la Bentley grise, et ce soir, mon frère sera propriétaire de la Ronceraie.
    Tout ce qui m'intéresse, c'est de reprendre. La possession, je m'en fous. Les femmes, les affaires, les maisons, les voitures : je les aimes au pluriel, dans les souvenirs qu'on retrouve, les choix qui s'offrent, les nouveautés qu'on alterne, les fidélités croisées. Tout ce que je demande à mon frère, c'est d'apparaître à ma place dans les organigrammes et les conseils d'administration, de régler les loyers de mes femmes, d'entretenir mes voitures et de faire revivre le château. Il est heureux. Il est là pour. Et c'est justice : c'était mon demi-frère, mon demi-dieu, mon héros. Pendant cinq ans, c'était devenu un fantôme d'orphelinat, déteint, cassé. je l'ai réparé. Je ne supporte pas qu'on me vole les choses.

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