Chaque fois qu'un jour nouveau se pointe, j'ouvre la fenêtre et
j'appelle au secours. Je saute sur le téléphone, j'appelle la
Croix-Rouge, le Secours Catholique, le Grand Rabbin de France, le petit,
les Nations-Unies, Ulla notre Mère à tous, mais comme ils sont
parfaitement au courant, qu'ils voient de leurs propres yeux qu'un
nouveau jour se lève et qu'ils prennent même leur petit déjeuner pour
cette raison, je me heurte au quotidien familier, et c'est le bide.
Alors je deviens un python, une souris blanche, un bon chien, n'importe
quoi pour prouver que je n'ai aucun rapport. D'où internement et
thérapeutique, en vue de normalisation. Je persévère, je saute ailleurs,
je me débine. Cendrier, coupe-papier, objet inanimé. N'importe quoi de
non-coupable. Vous appelez ça folie, vous ? Pas moi. J'appelle ça
légitime défense.
Apres avoir signé plusieurs centaines de fois, si bien que la moquette de ma piaule était recouverte de feuilles blanches avec mon pseudo qui rampait partout, je fus pris d'une peur atroce : la signature devenait de plus en plus ferme, de plus en plus elle-même pareille, identique, telle quelle, de plus en plus fixe. Il était là. Quelqu'un, une identité, un piège à vie, une présence d'absence, une infirmité, une difformité, une mutilation, qui prenait possession, qui devenait moi. Émile Ajar
Je m'étais incarné.
Apres avoir signé plusieurs centaines de fois, si bien que la moquette de ma piaule était recouverte de feuilles blanches avec mon pseudo qui rampait partout, je fus pris d'une peur atroce : la signature devenait de plus en plus ferme, de plus en plus elle-même pareille, identique, telle quelle, de plus en plus fixe. Il était là. Quelqu'un, une identité, un piège à vie, une présence d'absence, une infirmité, une difformité, une mutilation, qui prenait possession, qui devenait moi. Émile Ajar
Je m'étais incarné.