Ce sera beau de poser sur ses genoux une boîte en acajou pleine de lettres et de lui dire
- Je t'attendais.
Elle ouvrira la boîte et lentement, quand elle le voudra, elle lira les lettres l'une après l'autre et, remontant les kilomètres de fil d'encre bleue, elle prendra alors les années - les jours, les instants - dont cet homme, avant même de la connaître, lui avait fait cadeau. Ou peut-être, plus simplement, elle retournera la boîte, et, ébahie devant cette drôle de neige de lettre, elle sourira en disant à cet homme
- Tu es fou.
Et pour toujours elle l'aimera.
Parce que, pour dire toute la vérité, il n'en avait pas, de note à lui, Pekisch. Il se faisait vieux, il jouait de mille instruments, il en avait inventé autant, il avait une infinité de sons qui lui bouillonnaient dans la tête, il était capable de voir les sons, ce qui n'est pas la même chose que les entendre, il savait de quelle couleur étaient les bruits, un par un, il entendait le son même d'une pierre immobile, mais de note à lui, non, il n'en avait pas. Ce n'était pas une histoire simple. Il avait trop de notes en lui pour trouver la sienne. C'est difficile à expliquer. Mais c'était comme ça. L'infini l'avait engloutie, cette note, comme la mer peut engloutir une larme. Tu peux toujours essayer de la repêcher… tu y passeras ta vie.
Quelque chose à quoi tu ne peux échapper. La mer. La mer ensorcelle, la mer tue, émeut, terrifie, fait rire aussi, parfois, disparaît, par moments, se déguise en lac ou alors bâtit des tempêtes, dévore des bateaux, elle offre des richesses, elle ne donne pas de réponses, elle est sage, elle est douce, elle est puissante, elle est imprévisible. Mais surtout : la mer appelle. Tu le découvriras, Elisewin. Elle ne fait que ça, au fond: appeler. Jamais elle ne s'arrête, elle pénètre en toi, elle te reste collée après, c'est toi qu'elle veut. Tu peux faire comme si de rien n'était, c'est inutile. Elle continuera de t'appeler.
lenaisis